"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

samedi 18 mars 2017

Le tourisme, une véritable plaie pour notre Terre

"La colère est très vive aux Raja Ampat, archipel indonésien de la Papouasie occidentale où un petit navire de croisière d’expédition, le Caledonian Sky, a talonné sur un récif corallien considéré comme unique au monde, nous relate le magazine "Mer et Marine" du 17 mars 2017. L’incident s’est produit le 4 mars, mais il n’a fait le tour de la planète que cette semaine, provoquant une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Selon une équipe de scientifiques dépêchée sur place pour évaluer les dégâts, poursuit le journal, 1600 m² de coraux ont été touchés, dévastant l’habitat naturel d’un écosystème marin extrêmement riche et fragile. La coque du navire, s’en est sorti sans avarie sérieuse."


Cet événement nous rappelle, une fois de plus, combien le tourisme de masse - première industrie mondiale - représente une énorme pression sur les zones visitées : érosion des terres, rejets polluants d’eaux usées et de déchets en tout genre, dans les mers et les rivières, destruction des habitats naturels des animaux, pollution de l’air et changements climatiques. Le tourisme de masse induit une consommation démesurée des ressources naturelles comme l'eau douce, gaspillée au sein des grands complexes hôteliers, au détriment des populations locales, pour les piscines ou bien encore les terrains de golfs. Le tourisme émet les mêmes pollutions que n’importe qu’elle autre industrie : pollution de l’air, de l’eau, bruit, déchets solides et liquides, produits pétroliers et résidus chimiques… Le tourisme représente 60% du trafic aérien, il est donc une source majeure d’émissions de Gaz à Effet de Serre, responsables des changements climatiques, de l'acidification des océans et des perturbations des habitats. La biodiversité est largement menacée depuis des années. L’attractivité des milieux riches en biodiversité, qui sont souvent les milieux les plus sensibles aux impacts, subissent le plus, ce que Cousteau appelait "le grand saccage" en raison de l’urbanisation touristique (port de loisirs, hôtels pieds dans l'eau, ...). Les récifs coralliens et les écosystèmes très fragiles sont les victimes de la sur-construction et de la sur-fréquentation des zones littorales.

Comme toute industrie libérale, celle du tourisme n'échappe pas à l'idée fausse, mais largement admise dans ce courant de pensée, que l'Homme est naturellement responsable et saura s'autoréguler sans contrainte. Ainsi peut-on lire sur Wikipedia, que si l'on considère que "les touristes ne cherchent pas vraiment à visiter des contrées polluées, alors le développement du tourisme mondial peut se révéler comme un encouragement à la protection de l’environnement. Les régions touristiques ont donc intérêt à préserver leurs atouts naturels, voire à les développer." Le communiqué de "Noble Caledonia", l’opérateur britannique du navire responsable des dégâts sur le récif de corail de Papouasie, ne dit pas autre choses que cela et se déclare, bien évidement, "fermement attaché à la protection de l’environnement". Entendre le contraire aurait été étonnant. Ainsi cet optimisme libéral serait très beau s'il se confirmait dans les faits. Pourtant partout où l'on regarde, malgré les belles vertes paroles des industriels, aux engagements solennels pour des activités eco-friendly, ce n'est que dégradations, dévastations et saccages. L'exemple des Maldives et de son île poubelle de Thilafushi, en est le symbole criant. Les espaces protégés ne sont que les vitrines de coulisses beaucoup moins "cartes postales" où l'environnement et les habitants sont sacrifiés.



Pour quelques espaces préservés, combien de lieux seront définitivement saccagés dans cette consommation effrénée que rien ne semble pouvoir arrêter ? Combien de populations indigènes seront dépossédées, déplacées, expropriées et exploitées pour que nous jouissions ?

Alors que le voyage devrait être un moment de dépassement de soi et de découvertes mutuelles, le tourisme de masse refuse les spécificités culturelles, qu’il vient niveler, et la conscience de l’Autre, qu’il réduit à une relation marchande. L'objectif principal est désormais de s'amuser et de se détendre, dans des atmosphères qui tendent à s'uniformiser, voire à s'aseptiser. Le tourisme est le luxe occidental par excellence, il est aussi un signe extérieur de puissance, individuelle et vaniteuse, sur les peuples visités qui ne peuvent s’offrir ce luxe. De son coté, la nature est devenue un bien de consommation, qu'il faut posséder sans effort, qu'importe notre impact, qu'importe notre prédation sur cette même nature que l'on vient justement admirer. Et après avoir fait son minable petit safari, après s'être amusé en croisière sur un paquebot polluant comme des milliers de voitures, à l'autre bout du monde, à grand coup de Gaz à Effet de Serre, chacun ira de son selfie, sur les réseaux sociaux, en vantant son "amour pour cette nature si généreuse et sublime" qu'il aura participé à ruiner. Dans le Manuel de l'Antitourisme, Rodolphe Christin observe que "l'un des paradoxes du tourisme d'aujourd'hui est de tuer ce dont il vit, en véritable parasite mondophage. Celui-ci préfère le divertissement à la diversité ; le premier est en effet plus confortable car il ne remet rien en cause. Ainsi le touriste déclare son amour à cette planète dans ses moindres recoins, et, ce faisant, il contribue à l'épuiser impitoyablement"

A ces mots mon cousin Thibault, m’adresse cette pertinente interrogation : "Ainsi donc le but c'est qu'on reste tous dans notre bulle microscopique et qu'on n'aille pas ailleurs expérimenter, rencontrer les autres et essayer de comprendre notre monde ?". Piqué au vif je lui réponds que, premièrement je n'ai aucune solution toute faite à proposer et que je ne fais que pointer du doigt, un véritable énorme problème même si cela n'est pas très populaire et que cela bouscule des certitudes ou un certain déni. Comme dans toutes choses c'est l'excès qui tue et l'absence de conscience qui perverti. Et ainsi le tourisme de masse est l’excès du tourisme écologique, culturel et solidaire. Pour la plupart des voyageurs, pour l'immense majorité des touristes, rencontrer les autres et essayer de comprendre notre monde sont des notions dont ils se moquent éperdument. L'essentiel, pour ces gens en short, sera de consommer du loisir et de la plage, se donnant l'illusion, le temps d'un voyage d'être dans la classe des riches et des puissants. Ainsi, pour moi, l'argument de découverte de l'autre, à l’instar de tout autre bel argument humaniste, est du même niveau que ceux utilisés par les multinationales qui, sous prétexte d'offrir du travail (de misère), aux plus pauvres, justifient tous leurs méfaits sociaux et environnementaux: "si nous ne n'étions pas là, ces gens seraient dans la misère, Mon dieu que nous sommes bons !". Les touristes, gonflés d’orgueil, usent et abusent, pour se donner bonne conscience, de ce même storytelling très paternaliste et très colonial: "Grâce à mon argent ces pauvres hères sont moins pauvres. Bon dieu que je suis bon !"

Les multinationales comme les touristes sont tout, sauf des bienfaiteurs, mais juste des profiteurs d'une mondialisation inhumaine dont ils sont les maîtres et rois. Je maintiens donc que le tourisme est une véritable plaie pour notre Terre. 

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