"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

mardi 29 décembre 2009

Le Conseil constitutionnel annule la taxe carbone


Le Conseil constitutionnel a annoncé avoir annulé la taxe carbone qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2010, estimant que la loi crée trop d'exemptions, ce qui est "contraire à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique" et crée une inégalité face à l'impôt.

"Moins de la moitié des émissions de gaz à effet de serre aurait été soumise à la contribution carbone", en raison de ces multiples exemptions, selon les sages du Palais Royal.

Ainsi, relèvent-ils, "étaient totalement exonérées de contribution carbone les émissions des centrales thermiques produisant de l'électricité, les émissions des 1.018 sites industriels les plus polluants" (raffineries, cimenteries, cokeries...), "les émissions du transport aérien et celles du transport public routier de voyageurs".

"Ces exemptions auraient conduit à ce que 93 % des émissions d'origine industrielle, hors carburant, soient exonérées de contribution carbone". La taxe aurait donc "porté essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l'une des sources d'émission de dioxyde de carbone".

Je ne peux que me réjouir, à titre personnel, de cette décision qui ne remet, bien évidemment, pas en cause le principe d'une taxe carbone que j'approuve, mais qui censure l'ensemble du régime (que j'avais dénoncé le 28 Août 2009 sur ce blog) relatif à cette contribution qui n'était qu'une application dévoyée et clientéliste d'une idée qui ailleurs a fais ses preuves. Espérons maintenant que lors du conseil des ministres du 20 janvier, François Fillon, présentera enfin un dispositif de taxe carbone, digne de ce nom, qui tienne "pleinement compte des observations du Conseil constitutionnel" et soit en accord avec les recommandations des écologistes pour permettre une réelle modification des comportements carbonés de toutes les composantes de notre société et non plus uniquement ceux des particuliers. Le débat est donc relancé et nous verrons bien si Mr S s'est vraiment et sincèrement attaché une conscience verte qui lui donne la volonté de faire passer l'intérêt climatique avant celui des capitalistes.

La balle est maintenant dans le camp du gouvernement, mais c'est à nous d'être attentifs et vigilents.

Photo : Cheminées d'usines Novokuznetsk, Sibérie, Russie © Peter Turnley/CORBIS

Du risque à s’élever dans les airs


pour répondre aux climato-sceptiques

A tous ceux qui ont entendus les propos de Vincent Courtillot, tête de file des climato-sceptiques, ami de Claude Allègre, et qui, depuis la conférence de Nantes se sentent ébranlés dans ce qu'ils croyaient savoir sur les causes anthropiques du réchauffement climatique, je propose, à leur lecture la critique de son dernier livre ("Nouveau voyage au centre de la Terre" Vincent Courtillot. Éditeur : Odile Jacob) par ma collègue et amie Valérie Masson-Delmotte, climatologue au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE UMR CEA-CNRS-UVSQ : http://www.lsce.ipsl.fr/). Certes la critique de 5 pages de Valérie n'est pas simple mais elle démontre, par cette prose précise et argumentée, sa volonté de prendre au sérieux ses lecteurs et de ne pas tomber dans les travers de la simplification et de la suffisance qui mènent tout droit à l'erreur et aux inexactitudes qui sembles être la marque de fabrique de Vincent Courtillot.

A lire sur :

Le frein, s'il vous plaît!

Difficile de savoir comment l'Histoire jugera notre époque et les deux siècles de révolution industrielle. Il y a quand même fort à parier que le terme "accélération" figurera en bonne position des descriptifs associés à cette période.

Même sans avoir le recul historique nécessaire, l'évolution de l'espèce humaine, depuis deux siècles, se caractérise par des accélérations en tous genres et tous azimuts. Puissance et rapidité de production, de transport, de communication et de consommation sont les piliers de cette ère. A cela, s'ajoute une colossale accélération démographique; sur les cinquante dernières années, la population mondiale est passée de 2,5 milliards à plus de 6 milliards.

Le futur historien relèvera peut-être l'insouciance de cette période, où tous les efforts n'ont été engagés que pour rendre plus performant l'accélérateur, sans jamais se préoccuper de la mise en place du frein.

Ainsi, cette tranche de l'épopée humaine pourrait se comparer à un véhicule pour lequel, les ingénieurs auraient dépensé toute leur énergie et tout leur savoir à améliorer la puissance du moteur et à optimiser sa pédale d'accélérateur. Imaginez alors, le pauvre conducteur de ce bijou technologique, qui, face au premier virage, se rendrait compte, effaré, que le véhicule ne possède pas de pédale de frein. Une seule solution pour lui, accélérer, accélérer... et espérer...

Aujourd'hui, tel ce conducteur à l'entrée de son premier virage, notre civilisation semble découvrir que le frein a été oublié... Que de débats pour réduire nos émissions de CO2, que de débats face au déclin de la production de pétrole, que de débats pour raisonner un modèle économique qui s'emballe.

Un des exemples très significatifs se trouve, sans doute, dans un des plus célèbres fabricants japonais de véhicules. Après plus de deux cents trimestres consécutifs de profits, il n'a fallu qu'un seul trimestre d'effondrement des ventes pour remettre en cause la solidité de cet édifice et entraîner de nombreuses suppressions d'emplois et un appel aux finances publiques. Cette entreprise, très performante dans la mise au point de véhicules hybrides, n'avait pas souhaité imaginer et mettre au point un système de freinage pour sa propre activité.

Dans quelques décennies, ou siècles, un auteur de bande dessinée illustrera peut-être notre époque par un conducteur affolé face à son premier virage. La bulle accompagnant son dessin se limitant alors à cette expression laconique "Heu, le frein svp...". .

Michel Sage

Echo Nature – N°26 Juillet-Août 2009
Photo : Hamaha

lundi 21 décembre 2009

Copenhague : le sommet de la honte, mais la mobilisation doit continuer !

Pas de contrainte. Aucun objectif à 2020 ni à 2050. Pas de calendrier ni de mandat pour la signature d'un traité l'an prochain. Difficile d'imaginer pire conclusion pour Copenhague que la déclaration présentée par Barack Obama et Nicolas Sarkozy en clôture du sommet. Cette déclaration ne vaut pas plus que la feuille de papier sur laquelle elle est écrit.

Pire, les quelques engagements chiffrés ne nous permettront pas de limiter l'augmentation de la température moyenne mondiale à 2°C. On s'oriente plutôt vers plus de 3°C , donc vers un chaos inimaginable. Copenhague est une régression par rapport au protocole de Kyoto.

L'Europe n'a jamais joué le rôle de leader qu'elle s'était arrogée. Elle a été incapable de parler d'une seule voix. En témoignent les initiatives aventureuses et personnelles de Nicolas Sarkozy. Elle a refusé d'augmenter son objectif de réduction d'émissions de gaz à effet de serre et de chiffrer son soutien aux pays en développement après 2012.

De son côté, Barack Obama a terriblement déçu en s'inscrivant dans la droite ligne de George W. Bush, son prédécesseur à la Maison Blanche. Quant à la Chine, si elle n'a pas facilité les négociations, il faut admettre qu'elle n'a pas à assumer comme les pays riches la responsabilité historique de la situation de crise climatique actuelle. C'était à l'Europe et aux Etats-Unis de faire des propositions ambitieuses pour débloquer la situation. Rappelons qu'un Chinois n'émet que 4 tonnes de gaz à effet de serre par an, là où un Européen en rejette 10 et un Américain 20 !

Les dirigeants des pays riches ont cru être au G8, en annonçant la conclusion de l'accord puis en rentrant chez eux la tête basse. Ils ont juste oublié -fait significatif- que ce sont 190 pays du Nord comme du Sud qui doivent ratifier ce texte désormais. Face à ce désastre, Greenpeace condamne fermement l’arrogance des pays les plus puissants qui ont présenté un accord « à prendre ou à laisser ».

La seule touche d'optimisme au lendemain de ce fiasco, c'est la mobilisation de millions de personnes, au Nord comme au Sud, tous conscients de l'urgence climatique et réclamant plus d'équité ! Copenhague a soulevé d’immenses espoirs et réuni des millions de gens, partout dans le monde. Cette conférence est un échec retentissant, mais elle a ouvert la porte à un débat mondial sur la nécessité d’agir pour sauver la planète. C’est une première.

La prochaine étape, c’est Mexico fin 2010. Rien n'est terminé, les citoyens du monde entier ont exigé un réel accord avant que le sommet ne commence. Ils continuent de le demander.

Nous ne pouvons changer la science, alors changeons de politique ! Et si nous ne pouvons changer de politique, alors changeons d'hommes politiques !

http://www.greenpeace.fr

samedi 19 décembre 2009

Climat : ma déclaration en Conseil Municipal

Déclaration faite en fin de
Conseil Municipal des Ulis
le 18 décembre 2009


Mes chers Camarades,

Devant le risque de voir la conférence de Copenhague se terminer par un échec qui prendrait la forme d'une déclaration d'intentions - maintenir sous la barre des 2°C la hausse de la température moyenne de la planète – sans engagements contraignants pour les états, nous ne pouvons attendre qu'un autre sommet se déroule, dans un an, qui réitèrerait les mêmes atermoiements.

C'est pourquoi je pense et affirme que, dès à présent, nous ne pouvons plus que nous en remettre qu'à nous même et oser agir à la place de nos représentants nationaux. Nous devrons donc poursuivre notre engagement vers un vrai Développement Durable et renforcer notre politique écologique afin de participer à la préservation des équilibres biologiques et climatiques pour offrir, encore et toujours, une planète permettant une vie humaine digne et paisible.

Ainsi les villes et les régions d'Europe devront donc pallier aux défections des gouvernements et montrer, au monde, que les élus locaux ont pleinement mesuré les enjeux globaux.

Il nous incombe donc, à partir de maintenant, d'être exemplaires et volontaires.

Ce sera l'objet de mes voeux de cette fin d'années 2009 et pour les années à venir.

Je vous remercie et vous souhaite de passer de très bonnes fêtes de fin d'année.

mercredi 16 décembre 2009

Eliminez toutes les poches de résistance !

Quoi de mieux que de changer les règles pour garder le pouvoir, c'est bel est bien ce qu'est en train de faire Sarkozy avec sa réforme territoriale qui semble laisser indifférent nos concitoyens. Mais la course, avec le Front National, pour gagner le prix de celui qui aura fait basculer la France dans un système autocrate, stigmatisant et raciste (comme les différentes petites phrases de ministres UMP révèlent) est lancée. Si nous avions encore des doutes sur le coté "France bien blanche" à tendance fascisante, autoritaire et autocrate de la droite française, la réforme territoriale permet la mise en lumière de leur coté obscur.

Pourquoi je dis autocrate ? Pour la simple raison que la réforme territoriale (qui comprend, également, la si douteuse réforme de la taxe professionnelle), proposée par Balladur, vise à éliminer toute opposition représentée, aujourd'hui, par les collectivités territoriales, les régions et les départements et à recentraliser les pouvoirs vers un seul homme. En effet les élus locaux étant, dans notre système actuel, des acteurs politiques potentiellement contestataires avec une certaine latitude pour rectifier la barre d'une politique nationale jugée inacceptable, inique ou inapplicable, deviennent, à la longue, gênants pour un président qui ne supporte pas que l'on s'oppose à sa magnificence. Il fallait donc trouver un moyen de les museler puis de les éliminer. C'est tout le but de cette réforme. Qu'on se le dise ce billet n'est pas pour défendre quelques privilèges (fort peu par ailleurs pour l'élu municipal de base) d'élus, mais ce texte vise à alerter sur le risque de réduire à de simples protestataires, les forces politiques progressistes, muselant, ainsi, la parole démocratique et pluraliste des citoyens.

Ainsi le récent redécoupage des circonscriptions montre, selon toutes les projections (HD – 19 au 25 Nov 2009), que l'UMP gagnerait 18 députés supplémentaires sur la base des résultats des législatives de 2007. Plus fort encore, la réforme du mode de scrutin, vers un exercice uninominal à un tour, pour les élections de 90% des conseillers territoriaux (en replacement des conseillers régionaux et généraux), permettrait, dans un redécoupage territorial bien fait, de permettre à la droite, même en étant minoritaire en terme de pourcentage de votes, d'être majoritaire dans les assemblés. En effet dans le scrutin uninominal à un tour, celui qui arrive en tête, même s'il n'a pas 50% des suffrages sera élu. Dès lors le rouleau compresseur fade et à pensée unique qu'est l'UMP apparaîtra comme un avantage inattaquable face à la riche diversité de la Gauche. Pour contrer cela, la Gauche n'aura, comme alternative, que de se regrouper en un seul mouvement. Mais se regrouper autour de qui ou autour de quoi ? Autour du PS, parti majoritaire, pour le moment, à Gauche ? Personne à Gauche ne l'accepterait et pourquoi l'accepterions nous ? Dès lors c'est l'impasse pour la Gauche et pour la France condamnée à être gouvernée par une droite minoritaire. L'impasse ? Non si nous faisons preuve de raison et de courage politique qui pourrait nous permettre d'utiliser la force de l'adversaire pour gagner le combat du piège qui nous est tendue par les stratèges Sarkoziens, en nous forçant, enfin, à inventer un nouveau mode de relations et de fonctionnement au sein de cette criarde et indisciplinée Gauche Gauloise. Je me mets à rêver que ma vision d'une maison commune, créée en dehors de tous les partis, pourraient enfin devenir pertinente en regroupant toutes les forces agissantes d'Europe-Ecologie, du PCF, du PG et du PS. Dès lors nous ne tomberions pas dans l'ornière du bipartisme, qui aurait pour conséquences d'appauvrir le débat politique, car les partis resteraient ce qu'ils sont, avec leurs spécificités et leurs originalités philosophiques, mais seule la maison commune irait au feu des élections.

Mais la réforme territoriale ne s'arrête pas à vouloir museler l'opposition de gauche, elle vise également à réduire le nombre de communes en inventant les métropoles (agglomérations de plus de 450 000 habitants). Cette grossière ficelle est, pour autant, dans la lignée de ce qui vient d'être dénoncé plus haut : moins de communes, moins de conseillers municipaux, moins d'opposition potentielle, plus de liberté pour l'état de recentraliser l'action nationale. Ainsi, à terme, le texte prévois que les communes composant ces métropoles disparaissent. Pour comprendre il faut savoir que les communes vont toutes être obligées, d'ici peu, de se regrouper dans des intercommunalités. Dans un premier temps cela se fera sur la base de l'accord entres les villes et villages qui accepteront, ou non, le rattachement de leurs voisins-voisines à leur intercommunalité. Ceci est sans compter sur l'action d'un préfet qui peut, à tout moment, seul mais sur ordre du gouvernement, décider si oui on non telle ou telle commune doit se regrouper dans telle ou telle intercommunalité, et cela contre l'avis souverain des élus locaux. Ainsi si, dans un an ou deux, certaines communes ne sont toujours pas dans le giron d'une intercommunalité, l'état s'autorisera à imposer les entrées de celles-ci dans les intercommunalités de son choix. Et c'est là que l'entourloupe se fait. En effet il est à prévoir, qu'à partir de maintenant, nous allons voir des préfets refuser, à des communes de Gauche, d'entrer dans des intercommunalités de Gauche (C'est actuellement le cas des Ulis qui s'est vue refusée l'entrée dans la CAPS par le préfet de l'Essonne), pour se réserver la possibilité, ensuite, de noyer celle-ci dans une intercommunalité de droite. On poussera ainsi des collectivités à avoir des majorités voulues (de droite bien sûr !). Mais, comme si cela ne suffisait pas, le piège n'est pas encore complètement refermé. En effet le projet de loi prévoit qu'une "commune nouvelle" pourra être créée en lieu et place de intercommunalité. Ceci pourra se faire si les deux tiers des communes, représentant deux tiers de la population, sont d'accord pour que les communes s'effacent au profit de cette commune nouvelle. Autant dire que cela est un moyen très efficace de faire disparaître les villes rebelles, de nettoyer les dernières poches de résistance.

A la lumière de cette nouvelle étape vers la construction, petit à petit, d'une France pseudo-démocratique, je me dis qu'il est plus que d'actualité de battre la droite et de la mettre hors d'état de nuire en imposant, à la Gauche, une véritable stratégie de combats qui impliquera inévitablement des compromis sans compromission et des renoncements pour toutes les factions de la Gauche de gouvernement. L'urgence démocratique en vaut la chandelle.

Dessin : Uderzo

mercredi 9 décembre 2009

Mme Duflot : "l'écologie politique est de gauche"

Depuis leur percée aux européennes de juin, les Verts sont rejoints par tous les autres partis et par Nicolas Sarkozy sur le terrain de l'écologie politique. Les électeurs "ne sont pas dupes", affirme Cécile Duflot. A trois mois des régionales, la secrétaire nationale des Verts affirme leur ambition d'être une alternative au PS et marque sa volonté de passer devant Jean-Paul Huchon en Ile-de-France. En contre-pied de Daniel Cohn-Bendit qui annonce ses sympathies pour le MoDem, elle affirme : "l'écologie politique est de gauche".

Etes-vous confiante sur l'issue du sommet de Copenhague ?

Je suis moins pessimiste qu'il y a quelques semaines. On sent un ressaisissement collectif en Europe, aux Etats-Unis et même en Chine. Il ne faudra pas juger ce sommet sur les déclarations des uns et des autres mais regarder le degré de contrainte pour la réduction des émissions de CO2 et le montant des fonds de compensation qui aideront à la transition énergétique.

L'activisme de Nicolas Sarkozy sur le terrain de l'écologie n'est- il pas un handicap pour vous ?

C'est vrai qu'on est dans une drôle de période politique. Nicolas Sarkozy peut tout dire, il n'a aucun problème avec les mots. Que ce soient ceux du Front national, de la droite, de Jean Jaurès, des écologistes. Quand ce sont nos mots, c'est difficile d'être en désaccord mais nos compatriotes ne sont pas dupes de ce marketing politique.

On n'a pas bien compris votre position sur la taxe carbone. Vous êtes pour ou contre ?

Bien sûr qu'on est pour la fiscalité écologique mais ce n'est pas une taxe que l'on redistribue en donnant un petit chèque avant les élections. C'est une contribution que l'on affecte directement à des dépenses d'économies d'énergie.

Est-ce électoralement porteur de défendre, en pleine récession, la décroissance ?

La décroissance n'est qu'un mot. Ce que nous souhaitons c'est engager la conversion écologique de l'économie. Notre modèle de production et de consommation ne répond pas à un équilibre durable de la planète. Je veux bien qu'on nous donne des leçons mais je vous rappelle que le paquet fiscal de M. Sarkozy était fait pour attraper le troisième point de croissance avec les dents !

Pourquoi parlez-vous de décroissance et non de développement durable ?

A cause de la récupération politique. Aujourd'hui, tout le monde prône le développement durable et cela se traduit comment ? Par des rapports d'activité sur papier recyclé. Vous parlez d'un progrès !

Noël Mamère affirme que les Verts resteront à gauche. C'est aussi votre position ?

Oui mais pour moi c'est une question de valeurs, pas d'alliances. Une partie de la gauche a été contaminée par cette espèce de folie ultralibérale, dérégulatrice, qui s'appuyait sur l'idéologie de la croissance à tout prix et de la concurrence des années 90. L'écologie politique ne peut qu'être l'héritière de ceux qui ont défendu des projets de transformation sociale depuis que la politique existe. Dans ce sens-là, elle est de gauche. Pour moi, c'est une évidence.

C'est assez éloigné de ce que dit Daniel Cohn-Bendit sur la gauche "rétrograde".

Je suis une femme simple. Pour moi la politique, ce sont des valeurs, un projet et des propositions concrètes. Ce n'est qu'après que se pose la question des alliances. Aujourd'hui, quelles sont les valeurs et le projet politique de François Bayrou, à part être président à la place de Nicolas Sarkozy ?

Ne partagez-vous pas ses critiques sur l'hyper-présidence ?

Là-dessus, on peut être d'accord avec le MoDem et même avec une partie de la droite, mais ça ne suffit pas. Pour porter un projet de gouvernement commun, il faut être d'accord sur l'essentiel.

Si des primaires sont organisées à gauche, en serez-vous ?

Aux dernières nouvelles, elles ne concernent que les socialistes. Et je ne suis pas optimiste. Je ne sens pas de volonté au PS d'avoir un projet partagé. Les rivalités personnelles dans ce parti empêchent toute réflexion sur le projet. Vous avez dénoncé le fonctionnement "dépressif, dépréciatif et déprimant" du PS. C'est dur. Ce que je reproche aux socialistes, c'est que beaucoup préfèrent faire perdre leurs rivaux dans leur camp plutôt que de gagner tous ensemble. Ceci dit, ce n'est pas bon pour la démocratie que le PS soit dans cette situation.

Vous pensez que la recomposition de la gauche va se faire autour de vous ?

Non mais j'espère que les électeurs aux régionales vont déclencher un petit électrochoc, qu'en votant pour nous ils diront à la gauche : "c'est possible de gagner mais bougez-vous, changez !" Nous-mêmes avons connu nos années dépressives mais nous avons su en sortir. Je n'ai pas la solution magique, ni sur ce que doivent faire les écologistes après les régionales ni sur la rénovation de la gauche mais on réfléchit sur la méthode et les moyens.

Votre projet est-il de bâtir une maison commune ?

Il y a trois pôles dans l'opposition de gauche : les sociaux-démocrates, la gauche de la gauche, et les écologistes. Traditionnellement, le PS écrasait tout le monde en prenant un petit bout de chacun. Il existe maintenant, et c'est nouveau, une opposition centriste. La question est de savoir si on parvient à construire un équilibre différent entre ces sensibilités. Sans dire : "Il y a un truc moderne qui serait de faire avec le MoDem" et "une pensée ringarde qui serait d'agir avec la gauche".

Espérez-vous dépasser le PS dans certaines régions ?

Personne n'aurait imaginé qu'on pouvait faire élire Karima Delli, qui était en quatrième position pour les européennes en Ile-de-France. Il y a eu un déclic qui nous a dépassés. Alors qui sait ce qu'il va se produire cette fois ? Arriver à la tête d'une région pour changer les choses en matière d'emplois, se poser la question des transports, de la ruralité, ça m'intéresse ! Rêvons un peu : si au soir du 21 mars, on avait non pas deux ou trois mais dix présidents de région écologistes, alors on pourrait faire un véritable contrepouvoir. Peut-être y a-t-il de la part de certains une fatigue des responsabilités.

C'est un "Scud" contre le PS ?

Chaque président de région s'est replié sur son périmètre. Je ne sais pas si c'est dû à leurs querelles internes mais quand on voit la puissance financière et politique des régions pouvant agir ensemble, on se dit que c'est dommage.

Comment réagissez-vous au débat sur l'identité nationale ?

Ça me met en colère car ça réveille les mauvais réflexes en désignant des coupables sans se poser la question des solutions. Ce n'est pas un sujet sur lequel les politiques ont à prendre position. Si cela contribue à attiser les tensions sociales, il y aura des responsabilités à rechercher.

Vous n'avez pas hésité à défendre la rappeuse Diam's avec son voile. Pourquoi ?

J'ai été élevée dans une cité très mélangée. Dans ma classe de CP, on n'était que deux Blancs. Ça m'a donné une vision pragmatique de ces questions. Si Diam's avait décidé d'être bouddhiste, on aurait parlé de cheminement spirituel personnel. Mais là forcément, c'est du communautarisme. Pour moi, c'est une jeune femme qui est une super-musicienne et qui est en survêtement. Après, son foulard c'est son choix. On peut être ferme sur l'intégrisme et laisser les gens vivre leur choix religieux.

Propos recueillis par Françoise Fressoz et Sylvia Zappi
Le Monde.fr
Photo : AFP/Archives/Stephane de Sakutin

dimanche 6 décembre 2009

Dette climatique du Nord, dette financière du Sud

La thématique du changement climatique peut être extrèmement anxiogène. En combinant beaucoup d’éthique et un peu d’économie, O. Ragueneau, biogéochimiste marin au CNRS, nous propose au contraire une vision résolument optimiste. Loin de l’idée de repentance, la reconnaissance d’une dette climatique des pays du Nord, par son ampleur, pourrait constituer une chance peut-être unique d’affronter réellement le problème tout en repensant les rapports Nord-Sud, pour enfin s’engager vers un nouveau type de développement, équitable, dans tous les sens du terme.

A l’approche du sommet de Copenhague, force est de constater qu’il est encore trop peu de gens qui ont réalisé le caractère potentiellement dévastateur du changement climatique. Pourtant, ses conséquences sociales, économiques, géopolitiques, déjà visibles, seront bientôt insupportables. Même l’attribution en 2007 du Prix Nobel de la Paix au GIEC et à Al Gore, n’a pas permis de démontrer une bonne fois pour toutes, que c’est bien l’avenir de nos sociétés qui est en jeu. A travers de nombreux exemples régionaux, Jared Diamond s’est posée la question des facteurs qui font qu’une société décide, ou non, de sa survie. C’est la même question qui nous est posée aujourd’hui, mais de façon globale, et nous n’avons que très peu de temps devant nous pour prendre les décisions qui s’imposent. C’est que nous avons quelque peu traîné en chemin. Les limites au développement matériel, cause principale du réchauffement climatique, ont été posées depuis plusieurs décennies, que ce soit à travers l’idée de la finitude de nos ressources naturelles ou de l’aspect entropique de l’exploitation de ces ressources, à un rythme sans cesse accéléré. Le réchauffement climatique constitue en ce sens la parfaite illustration qu’il est vain d’essayer d’aller à l’encontre du second principe de la thermodynamique. L’énergie perdue sous forme de chaleur par le système contribue à l’augmentation du désordre global. Cette dimension a très tôt été perçue comme un frein au développement encore plus puissant que celui de la rareté. Ainsi donc, si notre but est la poursuite du développement de nos sociétés en évitant le chaos, tant social qu’écologique, il nous faut le repenser entièrement en tenant compte, non seulement de la rareté de nos ressources mais également, de notre incroyable capacité à modifier le climat et les équilibres naturels dont l’homme, du moins dans nos sociétés modernes, a oublié qu’il dépendait.

Repenser le développement… Vaste entreprise. Au Nord, le débat tourne autour de la question du développement technologique (la croissance verte) versus des changements de mode de vie (consommer moins, travailler moins, vivre mieux…). L’idée de décroissance, dans son acceptation positive, commence même à faire son chemin, alors qu’elle date aussi de quelques décennies. Au Sud, la question du développement se pose en termes souvent plus basiques : il s’agit avant tout de pouvoir accéder à la sécurité alimentaire, à la ressource en eau, à des systèmes de santé, d’éducation décents. Comment concilier les limites naturelles de notre planète, le sur-développement du Nord et le sous-développement du Sud ? Posée en ces termes, la question appelle une réponse très simple : un ré-équilibrage est indispensable. Il s’agit de redistribution entre Nord et Sud, avec une contrainte climatique extrèmement forte.

C’est une contrainte. Mais j’aimerais montrer que nous pouvons en faire une chance unique si l’on veut bien aborder de front les questions du changement climatique et de la pauvreté, qui par ailleurs s’auto-alimentent.

Mais quand on évoque l’idée de redistribution, on entend d’abord « utopie ». Or il est aujourd’hui urgent de convertir cette utopie en projet de société, pour des raisons tant physiques qu’éthiques. Physiques, parce que nous nous rapprochons chaque jour un peu plus des limites naturelles du système et qu’il n’est plus soutenable, ni écologiquement ni socialement. Ethiques, parce que les impacts du changement climatique induit d’abord par le développement du Nord, se font déjà sentir sur les populations les plus vulnérables, le plus souvent au Sud, qui n’ont que très peu contribué au problème. Toute l’idée des petits calculs qui vont suivre est de démontrer que nous avons, non seulement le devoir, mais également les moyens de réaliser cette utopie. A condition de le vouloir.

450 parties par millions (ppm). C’est la teneur atmosphérique en CO2 qu’il ne faudrait pas dépasser pour conserver 50% de chances de maintenir l’accroissement de température moyen, à l’échelle du globe, en-deçà 2°C. 2°C semble un compromis raisonnable, qui tient compte du fait qu’on va maintenant avoir bien du mal à rester en-dessous (compte tenu de l’inertie du système climatique) mais qu’on ne veut surtout pas passer au-dessus, en raison des risques majeurs de déstabilisation totale et d’emballement de la machine climatique. C’est l’objectif clairement affiché en vue du proche sommet de Copenhague. Comme l’a démontré W. Broecker (Lamont-Doherty Earth Observatory, USA) en 2007, la teneur en CO2 augmente de 1 partie par million (ppm) chaque fois que nous émettons 4 gigatonnes de carbone (Gt C, milliards de tonnes de carbone) dans l’atmosphère à travers nos activités (déforestation, combustion des énergies fossiles, production de ciment). Depuis le début de la révolution industrielle voici deux siècles et demi, nous avons émis près de 500 Gt C, entraînant une élévation des teneurs en CO2 de plus de 100 ppm. Alors qu’elles ont fluctué naturellement entre 180 et 280 ppm au cours des dernières centaines de milliers d’années, les voici rendues à environ 380 ppm, avec un rythme d’accroissement jamais égalé et toujours plus rapide. Nous ne sommes donc plus qu’à 70 ppm du seuil à ne pas franchir, ce qui correspond à une capacité de stockage dans l’atmosphère d’environ 280 Gt C. C’est ce qui définit ce que W. Broecker a appelé notre « tarte carbone ». C’est une expression bien trouvée parce qu’elle impose une limite claire (au rythme actuel de nos émissions, cette capacité de stockage sera épuisée en 2030) et elle pose tout de suite les bonnes questions, celles qui sous-tendent toutes les négociations actuelles en vue de la suite à donner, lors du sommet de Copenhague, au protocole de Kyoto : comment se partage t-on cette tarte ? Et comment finance t-on les efforts à réaliser pour s’adapter au changement climatique en cours et limiter nos émissions à venir, pour ne pas dépasser cette limite de 280 Gt C ?

C’est là que les négociations achoppent actuellement. Avec le développement des pays dits émergents (Chine, Inde, Brésil…), les émissions des pays dits de l’Annexe I et celles des autres pays sont à peu près équivalentes aujourd’hui, de sorte que le Nord exige que le Sud prenne part à l’effort. Mais lorsqu’on prend en compte l’ensemble des émissions passées de CO2, qui ont conduit au problème que nous connaissons aujourd’hui, il est clair que le Nord y a contribué pour environ 80%. Il est important de noter dès maintenant que les trois-quarts de ces émissions passées ont eu lieu depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, elles sont donc toujours présentes dans l’atmosphère aujourd’hui. Du coup, fort justement, le Sud pose la question de son développement dans ce contexte de changement climatique auquel il n’a historiquement que peu contribué et face auquel il est bien démuni. Ceci est vrai tant d’un point de vue adaptation que d’un point de vue atténuation : le chemin du développement dans une économie carbonée, bien que non soutenable et pas forcément désirable, est connu ; celui du développement « sans carbone » reste à construire.

J’aimerais démontrer, grâce à un peu de simple arithm-éthique, qu’il est possible de sortir de ce cercle vicieux, en reconnaissant la responsabilité du Nord et en en assumant les conséquences financières. Celles-ci doivent permettre d’aborder la nécessaire redistribution Nord-Sud en couplant les dimensions environnementales et sociales d’un développement équitable pour tous.

Pour tenir compte de la responsabilité historique du Nord, il nous faut modifier la taille initiale de la tarte Carbone de W. Broecker. Se pose immédiatement la question de la date à laquelle nous pouvons commencer à comptabiliser cette responsabilité. Kyoto a opté pour 1990, les américains aimeraient que ce soit 2005… Plusieurs raisons me font penser qu’il est équitable de choisir 1950. Tout d’abord, nous sommes alors un demi-siècle après qu’Arrhénius nous ait alerté sur les liens entre l’extraction de charbon, le cycle du carbone et le réchauffement. Dès 1910, dans son « évolution des mondes », ce Prix Nobel de Chimie (1903) prévoyait un réchauffement d’environ 4°C si l’on venait à doubler les teneurs en CO2 dans l’atmosphère. Les plus sophistiqués de nos modèles, un siècle après, ne disent pas grand-chose d’autre. Ensuite, au milieu du XXème siècle, la dimension entropique déjà évoquée du développement matériel et ses conséquences sur le climat est déjà connue, suite aux travaux pionniers de Vernadsky, Lotka, Georgescu-Roegen, bien qu’elle restera longtemps étouffée sous l’idéologie dominante, le mythe d’une croissance matérielle infinie. Enfin, depuis un demi-siècle que nous les mesurons directement, nous regardons les teneurs en CO2 augmenter dans l’atmosphère, la courbe de Keeling se construire avec une régularité remarquable, presque inexorable. Il suffit d’explorer qui se cache derrière ces quelques noms, pour comprendre qu’il ne s’agissait aucunement de « savants fous » mais plutôt de pères fondateurs de grandes théories voire même de disciplines nouvelles, qui n’ont simplement pas été écoutés.

1950 donc. Depuis cette date, nous avons émis 356 Gt C de sorte que la tarte carbone était initialement de 636 Gt C, à consommer avec modération entre 1950 et 2030, date à laquelle nous devrions avoir épuisé notre capacité de stockage pour les 280 Gt C qu’il nous reste à émettre. Combinons deux philosophies qui pourraient paraître contradictoires, celle des droits de l’homme et celle du marché. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme nous dit que nous naissons tous libres et égaux en droit. Disons donc que nous avons tous le droit d’émettre la même quantité de CO2 et répartissons ces 636 Gt C au prorata de la population : 20% pour les pays développés, 80% pour les pays les moins avancés et en développement. Avec cette répartition, le Nord a le droit à 127 Gt C et le sud, à 509. Or, ayant contribué à hauteur de 80% des 356 Gt émises depuis 1950, le Nord en a déjà émis 285 Gt C ! Nous avons donc déjà largement mordu sur la part des pays du Sud, pour environ 158 Gt C. Le sud, qui n’en a émis depuis lors que 71, devrait être en mesure d’en émettre encore 438 (509-71). Non seulement le Sud ne dispose t-il plus de son quota initial, mais on lui demande en plus de limiter ses émissions, sans lui en donner véritablement les moyens.

En parlant de moyens, faisons un peu de biogéo-économie… En octobre 2009, le prix de la tonne de CO2 sur le marché européen des quotas d’émission est d’environ 14 €, soit 51 € la tonne de C. Et là, si l’on se souvient que gigatonnes veut dire milliards de tonnes… on multiplie 158 milliards de tonnes par 51 € la tonne de carbone et on obtient quelques 8000 milliards d’euros ou 12000 milliards de dollars ! Il s’agit là d’une première estimation de ce qu’on pourrait appeler la dette climatique des pays du Nord aux pays du Sud, même si l’on peut débattre de la notion de « dette » à proprement parler, quand il s’agit plutôt d’un vol. Poussons cette logique de marché jusqu’au bout : si j’étais un pays du Nord, je paierais maintenant, avant que la tonne de CO2 ne soit multipliée par dix, pour atteindre les prix réclamés par le GIEC…

Même au prix actuel de la tonne de CO2, honteusement bas, le montant peut paraître vertigineux. De fait, il correspond environ à 1000 paquets fiscaux, à 100 fois le montant annuel de l’aide au développement, à 10 fois les dépenses militaires annuelles à l’échelle de la planète. Il représente surtout 10 fois le montant de la dette externe publique des pays du Sud, et 4 fois le montant total de cette même dette externe, si l’on y ajoute sa composante privée (data CADTM). Cette dette externe représente un frein au développement des pays du Sud, certain de ces pays consacrant une part plus importante de leur budget à son service, plutôt qu’à des dépenses sociales pourtant indispensables. Son annulation est réclamée depuis longtemps par de nombreuses ONG (CADTM, Jubile Sud…), en raison de son caractère odieux et illégitime. Ces ONG n’ont d’ailleurs pas attendu cette estimation de la dette climatique pour justifier cette annulation. Seulement voilà, dans la pratique, les créanciers du Nord (FMI, Banque Mondiale, Etats…) s’y refusent, ne consentant qu’à quelques allégements ici ou là. Le montant de la dette climatique pourrait permettre d’aborder ce processus d’annulation de la dette du Sud, sous un angle purement pragmatique : ayant perçu 12000 milliards de dollars, le Sud pourra en utiliser une petite partie pour rembourser sa dette et conserver encore la plus grande partie pour satisfaire à ses besoins essentiels tout en ayant la capacité de s’adapter au changement climatique en cours. A ce stade, il me faut ajouter un point important : ayant épuisé leur quota, les pays du Nord ne peuvent plus émettre de CO2, à moins de le racheter aux pays du Sud. En visant une phase de transition d’une vingtaine d’années, au rythme actuel de nos émissions (environ 4 Gt C pour les pays du Nord), ce rachat correspondrait à quelques 6000 milliards de dollars supplémentaires… Il s’agit là d’un levier extraordinaire pour le Sud, dans le cycle de négociations pour l’après-Kyoto.

Bien sûr, il ne s’agit pas de s’acquitter de cette dette climatique pour ensuite continuer comme avant, au nord, ni sans s’assurer de l’utilisation de ces sommes, au sud. Ceci implique d’abord une remise en cause totale des rapports Nord-Sud, souvent minés par le triptyque profit-dictature-corruption, au détriment des populations. Ceci implique également de s’assurer qu’un tel paiement ne conduise pas à un développement effréné, semblable à celui du Nord. Tout au contraire, une partie du paiement de cette dette climatique pourrait l’être sous la forme de transferts technologiques qui permettraient au Sud de se développer, mais différemment, avec une intensité carbone nettement moindre. Il faudra, au Nord comme au Sud, remettre le développement humain au centre de cette perspective et ramener le développement économique au rang qu’il n’aurait jamais du quitter, à savoir, celui de simple moyen.

Derniers petits exercices d’arithm-éthique, de l’échelle globale à l’échelle individuelle, pour simplement montrer que si nous nous devons de le faire, pour les populations du Sud et pour les générations à venir, nous le pouvons également… Prenons tout d’abord ces 18000 milliards, correspondant à notre dette passée et au rachat de nos émissions à venir. Répartissons-les sur les 20 ans à venir, cela représente quelques 900 milliards par an, soit environ 2% du PIB mondial. Est-ce réellement si énorme ? De la même façon, reprenons ces 900 milliards par an et répartissons les sur le milliard et demi des habitants du Nord. Nous obtenons un chiffre d’environ 2 dollars par personne et par jour. Loin de moi l’idée de dire que nous devons tous payer cette somme, qui représente beaucoup pour de plus en plus de gens dans nos pays. La façon de collecter ces fonds ferait sûrement débat, elle dépasse le cadre de cet article mais au fond, peu importe. Seule la volonté politique devrait compter. Et c’est l’ordre de grandeur qui m’importe ici. 2 dollars par personne et par jour. C’est le prix à payer pour un développement équitable, pour tous, qui tienne compte de la contrainte climatique. Nous trouvons que c’est beaucoup. 2 milliards de personnes sur notre planète n’ont pas ce montant pour vivre.

2% du PIB mondial ou 2 dollars par personne et par jour, ces ordres de grandeur permettent de poser la seule question qui devrait compter réellement : le voulons-nous vraiment ?

Olivier RAGUENEAU

Pachamama, le magazine gratuit d'écologie politique internationale