"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

samedi 28 février 2015

Banlieue rouge

Lundi 23 février, au dîner du Conseil représentatif des associations juives de France (CRIF), François Hollande reprenait à son compte l’expression fétiche du Front National : "Français de souche".

Nous pourrions lui dire et démontrer que cette expression n'a aucune valeur, aucun sens, aucune justification, mais nous préférerons lui répondre en citant Paul Valéry : "la nation française fait songer à un arbre greffé plusieurs fois, de qui la qualité et la saveur des fruits résultent d’une heureuse alliance de sucs et des sèves très divers, concourant à une même et indivisible existence". Nous aurions également envie de lui rappeler ce que disait François Mitterrand au Colloque à la Sorbonne en 1991 :" La France est un bouquet de fleurs composé en commun. Nous sommes français, nos ancêtres les Gaulois, un peu romains, un peu germains, un peu juifs, un peu italiens, un petit peu espagnols peut-être qui sait , polonais, et je me demande si , déjà, nous ne sommes pas un peu arabes ? "

Oui définitivement ma France est celle-là. Une France aux milles cultures, aux milles couleurs, aux milles orientations. Ma France n'a pas de papier, elle n'existe que par l'amour de ceux qui l'aiment et qui la font vivre.

Mais ce dérapage n'est, finalement, que le révélateur d'une banalisation des avancées identitaires et communautaristes véhiculées par tous les démagogues et prêcheurs en tous genres qui se sont engouffrés dans fissures du délabrement de notre cohésion nationale où les responsabilités sont largement partagées par ceux qui détiennent un peu de pouvoir. Délabrement qui est en train d'atteindre son apogée depuis l'attentat contre Charlie-Hebdo où l'on voit un odieux renversement de valeurs dans notre pays. Tout serait donc arrivé par la faute de notre laïcité sectaire et agressive. Charlie aurait exagéré et nous devrions comprendre ces pauvres assassins, blessés par de pauvres dessins. Nous devrions comprendre qu'il nous faut cesser de blasphémer, qu'il nous faut nous coucher et accepter la censure pour vivre en paix. Quelles infamie !

Mais comment en sommes-nous donc arrivés là ? Qui ? pourquoi ? comment ? Personnellement, j'ai une analyse très à moi, des responsabilités dans l'avènement du terrorisme, de la montée des extrêmes, des communautarismes et des fondamentalismes en France.

Je fais remonter ces responsabilité aux années 80, sous le règne de Mitterrand qui, décidément, était capable du meilleur comme du pire. Souvenons nous que, dans ces années là, la banlieue était tenue majoritairement par le Parti Communiste qui organisait la vie sociale et culturelle des cités par des centres aérés, des colonies de vacances, des fêtes populaires, des aides sociales etc ... or Mitterrand, à son arrivé au pouvoir, décida, à la grande frayeur de Reagan, de mettre des communistes au gouvernement. Reagan, via son vice-président, George Bush père, s'en ému auprès du président français qui le rassura et lui dit que sa stratégie était d'affaiblir le PCF afin de l'éliminer du paysage français. "Avoir des ministres communistes au gouvernement leur fait perdre leur originalité. Ils devraient donc être de moins en moins capables de rallier des voix au-delà [de leur électorat de base]." disait-il. Force est de reconnaître que cela a très bien fonctionné et le PCF n'a eu de cesse de perdre du terrain sans que les nouveaux maîtres de la Gauche ne prennent le relais dans les banlieues populaires. Cette stratégie a créé un vide écologique que les malfaisants se sont empressés de combler. Dans le même temps le politiquement correcte de la Gauche, qui ne voyait, dans les gamins de banlieue, que de perpétuelles victimes du système - alors que les margoulins sont partout - a empêché de prendre les bonnes décisions.

La droite qui a prôné la compétition entre les citoyens et l'individualisation des carrières, surfé sur la mythologie sécuritaire, détruit les services publiques, organisé la chute de l'état et mis en pratique tous les dogmes libéraux, a détruit l'idée de l'universalisme de la République et a, par là-même, une responsabilité majeure dans l'état maladif de notre pays. La droite de Chirac puis de Sarkozy a achevé le travail de sape en supprimant, entre autre, le service national ou la carte scolaire créant des ghettos de riches et d'autres de pauvres, exacerbant les haines, les peurs et les rancœurs.

N'oublions pas également l'un des plus grand fautif : le patronat. Mais dire que le patronat n'a jamais été proactif pour favoriser le vivre ensemble et la diversité, dans toutes les strates de l'entreprise, n'est-ce pas enfoncer une porte ouverte ? Ainsi, selon les statistiques publiées en ce début d'année, les personnes ayant noms et prénoms à consonances africaines ou arabes auront 26% de chances en moins de décrocher un entretien et 32% de chances en moins de décrocher un emploi. De l'art et la manière de semer la misère pour récolter la colère puis la haine.

Mais finalement n'avons nous pas un patronat, à l'image de notre société qui n'a toujours pas intégré l'idée que la France n'est plus blanche et que cela est une chance pour notre intelligence collective. Cet état de refus est régulièrement vérifié par des petits actes manqués ou des paroles perdues révélant cette pensée collective dominante blanche et chrétienne qui nous colle à la peau et qui interdit toute évolution. Ainsi, dans cette veine là, souvenons-nous qu'en ce 16 janvier 2015, après les attentats de Paris, Christian Estrosi eu, sur France Info, cette phrase très révélatrice et qui n'aura choqué que les domiens et leurs amis "[…] cette jeune femme martiniquaise venue défendre les valeurs de la République […]" ?!?! Aurait-il dit la même phrase si Clarissa Jean-Philippe avait été Bretonne ? Ainsi Y'a'bon gentils indigènes qui viennent défendre Mère Patrie ! Que penser, également, quand on découvre que le roman, "L'homme au bâton", d'Ernest PEPIN, écrivain et poète français né au Lamentin, en Guadeloupe, est classé, à la Médiathèque des Ulis, dans les romans étrangers ? Je suis dégoutté. Non la culture Française n'est pas que blanche, n'est pas que métropolitaine. Comment, dès lors, nos compatriotes d'outre-mer pourraient-ils se sentir pleinement français quand, en permanence, ils reçoivent des messages de ce genre ? Je suis révolté par tant d'ignorance.

Ainsi, en vérité je vous le dis, personne n'est innocent dans l'état de délitement de notre République et de sa cohésion où seul le Front National se pourlèche les babines et se frotte les mains car, sur nos ruines, ils construiront leur empire. Le vivre ensemble passe donc par le deuil de notre passé, l'attention que l'on porte aux risques de sous-entendus que l'on exprime et qui propagent, encore et toujours, des résidus, pas très beaux, de notre culture collective, coloniale et dominatrice et qui semblent dire, non sans condescendance, qu'il y a des Français moins Français que d'autres. Le vivre ensemble passe aussi par l'abandon de la victimisation, de la parano et, à l'instar de John Fitzgerald Kennedy, j'ai toujours envie de dire : "ne vous demandez pas ce que la France peut faire pour vous mais ce que vous pouvez faire pour la France". Mes voyages (professionnels) m'ont persuadé que l'herbe n'est pas plus verte ailleurs et que nous avons beaucoup de chance de vivre dans ce pays. La France, plus je voyage plus je l'aime car j'y suis libre de penser, de croire ou de ne pas croire, d'écrire, de côtoyer qui je veux sans distinction de couleur, d'origine, de sexe ou de religion, d'aimer, d'être homo ou hétéro, de rire et de pleurer, de manifester, de pétitionner, je n'y ai pas peur de flics ni des militaires. Certes la France n'est pas parfaite mais elle est ce que l'on en fera collectivement. Une France fière de toutes ses régions, de toutes ses couleurs, de toutes ses cultures, de toutes ses origines, de toutes ses gastronomies, toutes ses religions au sein d'une légitime laïcité. Ma France est ce carrefour des peuples qui montre au monde que la paix entre les Hommes est possible.

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