"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

mercredi 30 juillet 2014

Nature : l’exception culturelle française


Quand on voit l’hystérie provoquée par 300 loups en France, alors que le calme règne chez nos voisins où il est également de retour (Allemagne, Suisse) et là où il a toujours existé (Italie, Espagne), on est en droit de se demander ce qui ne tourne pas rond dans l’Hexagone.

Justement, si le loup est si mal accueilli, y compris dans certains parcs nationaux, c’est parce qu’il fait irruption dans un paysage entièrement domestiqué, véritable usine de fabrication à ciel ouvert des produits du terroir. Cette bestiole sauvage qui apparaît soudain dans ce grand jardin à la française aux allées bien droites, ça fait tache ; pour tout dire, c’est l’anarchie.

En fait, le loup n’est qu’un révélateur, celui d’une France très anti-nature arc-boutée sur ses pratiques rurales, intolérante vis-à-vis de ce qui n’est pas domestique. On chasse dans la majorité des réserves naturelles, on exploite la forêt partout à l’exception des trop rares réserves intégrales, on laisse paître les troupeaux au cœur des parcs nationaux de montagne, ce qui conduit les Cévennes à s’opposer à la présence du loup et les Écrins à faire une battue en zone centrale pour l’en faire sortir, alors que les parcs nationaux sont faits pour protéger la nature sauvage et pas les animaux domestiques.

Pendant ce temps-là, les parcs nationaux allemands agrandissent les surfaces laissées en libre évolution sans agriculture ni sylviculture (Hainich, Forêt Noire, Eifel).

En France, le fait de soustraire des sites naturels à certaines activités humaines, agricoles et forestières, qui influencent fortement la dynamique naturelle est non seulement une mission impossible mais n’est pas souhaité par les autorités publiques ni par les nombreux acteurs du monde rural. Et, comme si cela ne suffisait pas, le lynx a quasiment disparu du massif vosgien trente ans après sa réintroduction, sans aucune réaction du ministère de l’Écologie, qui avait défendu ce projet à l’époque ; les forêts doivent produire plus en perdant leurs vieux arbres pour les unes et en se transformant en plaquettes pour les autres ; enfin, la loi du Grenelle 1 (article 23) prévoit que les plans de conservation de la nature doivent être compatibles avec les activités humaines mais pas l’inverse. Tout est dit sur les priorités de notre pays en matière de protection de la nature.

D’où vient cette intolérance, pour ne pas dire cette haine, envers la nature sauvage, véritable exception culturelle française ? Cela vient de la primauté du ruralisme et du monde agricole, et du fait que l’agriculture industrielle est une cause nationale. Avec un tel rôle économique et le soutien sans limites de l’État, le monde agricole a eu les pleins pouvoirs (contrôle du foncier, syndicat tout-puissant, création d’un organisme de recherche à son service, soutien inconditionnel de la classe politique, subventions françaises et européennes, etc.) pour mettre l’espace rural sous sa coupe et opposer son veto systématique à tout projet de protection de la nature menaçant ses intérêts.

Ce rôle démesuré accordé au monde agricole dans l’espace rural est de plus facilité par le centralisme jacobin et par le zèle des corps d’ingénieurs d’État (notamment celui du génie rural), autre particularité française, dont la formation cartésienne ne laisse aucune place à une approche sensible.

Jean-Claude Génot (écologue)

Il nous faut donc, en même temps qu'une transition énergétique de notre pays et de l'Europe, une transition écologique de l'agriculture qui soit, bio, vivrière et locale, loin de l'industrie mais en lien avec le reste du vivant pour retrouver une France sauvage et équilibrée, pour que notre pays ne soit plus jamais un jardin à la française ... il n'existe pas d'autres voies de salut que celle de la raison écologique.

Bruno BOMBLED



Photo : J.-L. Klein & M.-L. Hubert / Biosphoto

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